Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attachement à la vie, de la souffrance qu’il éprouvera, avant de mourir, à se voir condamné à mourir : c’est là une complication du calcul utilitaire qui a son importance ; mais elle ne détruit pas la possibilité de ce calcul, et elle n’en change pas la nature.

Il en va de même pour certaine difficulté du calcul de l’utilité générale qui est propre à ce calcul. Cette difficulté, comme la précédente, a été signalée par M. Hobson[1]. Ne faut-il pas, demande M. Hobson, donner une valeur infinie à ces biens que les convictions morales des hommes font à ceux-ci une obligation d’acquérir ? Celui qui se croit obligé d’agir, dans telle circonstance, de telle manière, n’attachera-t-il pas un prix infini à l’accomplissement de cette action ?

Dans cette objection, il y a sans doute quelque chose de fondé. L’utilitaire ne doit pas oublier que tout le monde n’est pas utilitaire, il ne doit pas négliger de faire entrer dans son calcul les plaisirs et les peines que font naître, chez les hommes, leurs croyances morales ou autres. Mais il faut se garder ici d’une confusion. Il est vrai que l’homme qui se croit obligé d’accomplir une action attachera, en un sens, un prix infini à l’accomplissement de cette action. Est-ce à dire que si vous lui ôtez la faculté de conformer sa conduite à sa conviction vous lui causez une peine infinie, que vous lui procurez un plaisir infini en faisant le contraire ? Nullement. Il y a lieu de distinguer nettement entre l’idée de l’obligation, d’une part, et d’autre part les états affectifs qui se rattachent à cette idée. Celle-là est conçue comme absolue, ceux-ci, pour être

  1. Pp. 71-72.