Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/194

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réels, n’en sont pas moins finis, et par conséquent mesurables.

Il me reste à dire que dans le calcul de l’utilité générale, comme dans le calcul de l’utilité particulière, il faut considérer non seulement le présent et l’avenir prochain, mais l’avenir éloigné, que toutes les possibilités doivent entrer en compte. Ce point a même beaucoup plus d’importance dans la doctrine de l’utilité générale que dans l’hédonisme individualiste. La vie d’un individu est courte, les changements qu’il peut produire dans ses dispositions sont limités par cette brièveté de l’existence. La destinée de l’espèce humaine, au contraire, et des autres espèces douées de sensibilité peut être regardée comme indéfinie : et ainsi il n’est rien, pour ainsi dire, qu’on ne puisse espérer pour nos descendants, pour les descendants des êtres sensibles actuels. Sans doute l’incertitude des prévisions relatives à des temps éloignés nous empêchera de sacrifier trop le présent, l’avenir prochain aux perspectives lointaines. Il n’empêche que nous devons avoir l’œil fixé sur celles-ci, que la question du progrès de la race, de sa marche vers un état plus heureux — lequel dépend tout d’abord, qu’on y fasse attention, de la nature de l’être sentant, et seulement d’une manière secondaire des circonstances extérieures — doit être pour le moins une des préoccupations principales de l’homme de bien. Cette idée, c’est Spencer qui a eu le très grand mérite de la développer le premier. Elle a inspiré à Nietzsche la plus grande partie de sa doctrine : car l’ « immoralisme » de ce philosophe est avant tout une protestation contre ces doctrines qui, par les sentiments