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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/209

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Entre les deux manières de construire la morale que l’on vient de voir, celle, d’une part, qui consiste à tirer le devoir du bien, et d’autre part celle qui tend à faire la moralité toute formelle, plus d’un philosophe hésite, croyant qu’il est nécessaire d’adopter l’une ou l’autre. Et l’on en voit qui arrivent en fin de compte à accueillir à la fois les deux conceptions contraires. Ainsi Green assure d’un côté que l’idéal moral, c’est la loi accomplie pour elle-même, c’est la pureté de l’intention, et en même temps il affirme avec autant de force que la bonté de l’action dépend de l’objet poursuivi, sans qu’il apparaisse que la moralité et la bonté des actions soient pour lui deux choses différentes[1].

Si l’on cherche les causes des erreurs philosophiques qui viennent d’être passées en revue, on trouvera tout d’abord la tendance, qui est fréquente chez les philosophes, à séparer les éléments ou les aspects de l’objet qu’ils étudient. La philosophie, comme la science, est contrainte de dissocier, d’abstraire ; mais pour rester fidèle à ce qui est son rôle propre, elle devrait s’appliquer, ce faisant, à maintenir la liaison de ces éléments qu’il lui faut distinguer, à les embrasser toujours dans une vue synthétique. Elle y manque, malheureusement, trop souvent : l’attention des philosophes se porte d’une façon trop exclusive sur tel ou tel côté de ce sur quoi ils spéculent ; et le reste est sinon supprimé — car une intuition plus ou moins vague persiste en général de la totalité complexe des choses —, du moins laissé dans l’ombre, et méconnu. C’est là

  1. Lectures on the principles of political obligation, § 2 (Works, t. II, p. 335).