Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/221

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comme fin morale, parce que le bonheur se termine aux individus qui en jouissent. La fin morale, pour lui, c’est la réalisation toujours plus complète d’un idéal de perfection spirituelle : c’est, en d’autres termes, le progrès de la science, la création du beau, sans doute aussi l’accroissement, l’épanouissement de la moralité, de la rationalité[1]. A quoi l’on peut répondre en demandant où se réalisera cette perfection spirituelle dont M. Wundt nous entretient. Est-ce dans cette conscience qu’attribue à la collectivité la singulière invention romantique que l’on connaît ? Au vrai, tout se termine aux individus. La science n’est rien hors de la connaissance que les hommes en peuvent avoir ; la beauté n’est rien, tant qu’elle n’est pas perçue et sentie par tel ou tel ; et ce qui n’est pas ne saurait avoir un prix : la science, la beauté n’ont de prix qu’autant que les individus que nous sommes les apprécient[2].

Venons à ces morales non utilitaires qui nous proposent des fins intéressant les individus. La plus séduisante peut-être est celle qui nous invite a développer en nous la rationalité. Kant, contraint malgré lui de sortir de son formalisme, paraît en bien des endroits adhérer à cette conception. Guyau de son côté — pour ne pas aller chercher d’autres exemples — parle avec sympathie de cette doctrine qui, en même temps qu’elle puise dans la liberté sa force, voit en elle sa fin[3].

  1. Ethik, 2° éd., Stuttgart, Enke, 1892, III, 2, §§ 2-4.
  2. C’est ce que semblent oublier souvent les théoriciens de l’aristocratie — Renan par exemple — lorsqu’ils entreprennent de fonder leur conception sur les intérêts de la science ou de l’art.
  3. Morale anglaise contemporaine, Conclusion, § 1, pp. 375-377.