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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/223

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soi la rationalité, condition de la moralité. Pour que je devienne capable toujours davantage de faire ce qui est conforme aux exigences de la raison, il faut que je travaille à donner à ma raison plus d’empire sur moi-même : je m’efforcerai donc de contracter des habitudes de tempérance, je résisterai à mes passions, j’exercerai mon intelligence et ma réflexion. Par là le cercle de tantôt est brisé ; une réponse est donnée à la question qui se posait, une fin est assignée à notre activité[1]. Oui, mais cette fin c’est une matière, qui, pour présenter une parenté avec la forme de la moralité, n’en est pas moins quelque chose de distinct de cette forme. Vous abandonnez donc votre formalisme, sans vous en douter, pour adopter un principe que la parenté indiquée ci-dessus ne justifie nullement.

Ce qui vient d’être dit sur le principe du développement de la rationalité comme fondement de la morale personnelle demeure vrai quand de ce principe on veut tirer une morale sociale. Si la rationalité, si la liberté spirituelle a de la valeur en nous, elle aura une valeur égale en chacun de nos semblables. On

  1. On contestera peut-être qu’il en soit ainsi ; on dira : il est contradictoire d’assigner comme fin à notre activité raisonnable d’accroître en nous l’empire de la raison, si l’on ne donne pas à cette activité, par ailleurs, une autre fin ; car si notre raison ne doit tendre qu’à assurer et à augmenter son influence sur nous, où verra-t-on que cette influence augmente en effet ? À cela je répondrai : la raison, si on ne lui assigne pas, en dehors d’elle-même et de son autorité, des fins vraiment morales, aura cependant un rôle à jouer : il lui appartiendra de soumettre notre activité aux lois de la logique, de nous faire employer, quand nous viserons un but, les moyens nécessaires ; pour qu’elle remplisse ce rôle, il faut que nous soyons libres déjà, c’est-à-dire maîtres de nous-mêmes. Et ainsi il est possible d’imaginer que la seule fin morale, ce soit de fortifier la raison.