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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/224

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concevra donc que c’est un devoir pour nous de travailler à la réalisation toujours plus parfaite de cette liberté spirituelle chez nos semblables. Seulement il faudrait commencer par établir que la rationalité est une chose bonne ; et l’on ne voit pas que par elle-même elle soit telle[1].

Tandis que certains philosophes nous engagent à travailler à la réalisation toujours plus complète de la liberté spirituelle en nous et chez nos semblables, d’autres voient le bien dans l’exercice des facultés intellectuelles ; tout au moins font-ils du savoir le plus précieux des biens auxquels nous puissions aspirer. De cette conception il serait aisé de citer dans l’histoire de la philosophie des partisans nombreux, depuis Aristote, qui accordait, comme l’on sait, à la « vertu dianoétique » une place privilégiée entre toutes les autres, jusqu’à Guyau, qui attribue à la pensée et à son objet une valeur absolue, qui refuse d’admettre que la vérité soit rabaissée au rang d’instrument[2].

Cette manière de voir procède de constatations dont la morale doit tenir compte. L’acquisition et la possession de la connaissance, outre qu’elles nous sont utiles pour la réalisation de toutes nos autres fins, sont par elles-mêmes, immédiatement, une source de joies très

  1. En définitive, comme on l’a vu au chapitre 4, la liberté est un bien réel et important, mais c’est un bien secondaire. La liberté a du prix parce qu’elle est très souvent une condition pour réaliser le bonheur. De là la nécessité d’établir parfois une balance entre la liberté et les biens primaires, et de sacrifier un accroissement de celle-là à l’acquisition de tels de ceux-ci.
  2. Voir La morale anglaise contemporaine, Conclusion, § 5 (pp. 409 sqq.).