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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/239

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le passage de la morale de l’intérêt individuel à celle de l’intérêt général. Je n’examinerai pas, d’autre part, les déductions par lesquelles Spencer arrive aux règles spéciales de sa morale. M’en tenant rigoureusement à l’examen de ce point de sa doctrine qui a été exposé plus haut, je noterai que la préoccupation qui a conduit Spencer à proposer une nouvelle méthode pour l’application du principe utilitaire est une préoccupation fondée. Les réserves qu’il y a lieu de faire ici portent tout d’abord sur la valeur de la méthode en question, valeur que Spencer a beaucoup exagérée : les inductions auxquelles Spencer procède ne sont pas tellement sûres qu’il faille avoir en elles une confiance absolue ; et l’on risque, à trop penser à un avenir très éloigné encore, de négliger le certain ou le probable pour l’incertain et le moins probable. En outre, quand on quitte tout de suite, comme fait Spencer, la formule de la plus grande somme de plaisir pour celle du développement et du progrès de la vie, et qu’on s’attache exclusivement à cette nouvelle formule, on s’expose à oublier qu’elle n’est que le substitut de la première : et il semble bien que cela soit arrivé à Spencer plus d’une fois.


À la morale de Spencer se rattache d’une manière assez étroite cette doctrine qu’on tire des ouvrages de Nietzsche.

On n’a pas toujours compris que Nietzsche avait une doctrine morale dans le sens plein de l’expression. C’est que Nietzsche parle sans cesse de lui-même comme d’un « immoraliste ». C’est que très volontiers il donne de ses idées une exposition qui porte à croire que pour lui