Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/238

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préciser la doctrine utilitaire ; Spencer lui aussi a contribué à améliorer cette doctrine. L’innovation qu’on doit à Spencer consiste à avoir proposé pour l’application du principe de l’utilité une méthode différente de celle de ses prédécesseurs, où l’induction va plus loin, et où la déduction, en conséquence, joue un rôle plus important. Bentham et Stuart Mill demandaient à l’observation courante de nous enseigner la manière de devenir heureux ; et Stuart Mill sans doute voulait, comme on a vu, que pour déterminer comment nous arriverons au bonheur on tînt compte de la possibilité que nous avons de créer en nous des dispositions, des aptitudes nouvelles ; mais ses regards restaient attachés sur la génération présente, et en définitive c’est sur l’expérience de nos aînés et de nos contemporains que Mill fondait sa morale. Spencer, pénétré de l’idée’évolution, et considérant que nos actes influeront sur les destinées ultérieures de l’espèce, ne se contente pas de cette source d’informations. Il estime qu’il ne faut pas « [faire] du bonheur la fin immédiate », mais « [viser] les conditions de réalisation définitive [de ce bonheur] »[1] : il remontera donc jusqu’aux lois les plus générales de l’évolution, de la vie, et c’est sur la connaissance de ces lois qu’il s’appuiera pour déterminer les règles de notre conduite.

Dans ce chapitre où je m’occupe des conceptions du bien qui nous sont présentées par les philosophes, je ne ferai pas à Spencer le reproche d’avoir penché souvent vers la naturalisme, ni celui de ne pas avoir justifié le principe utilitaire, de ne pas avoir justifié, non plus,

  1. Justice, § 130 ; cf. passim.