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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/263

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apprennent que le plus souvent telle action produit plus de plaisir que de peine, ou encore que le plus souvent telle action est préférable à telle autre qu’on pourrait accomplir en la place de celle-là. Or la vie nous presse ; à chaque instant des alternatives nouvelles se présentent devant nous ; vouloir ne décider qu’en connaissance de cause, c’est entreprendre préalablement à chacune des actions que nous devrons accomplir des recherches peut-être infinies, et cela est absurde. Burke disait que l’homme qui voudrait résoudre tous les problèmes pratiques sans préjugé, qui s’imposerait à chaque moment de remonter aux principes, se condamnerait à ne pas agir[1]. On peut remplacer ici le préjugé par la règle : car si la règle n’est pas nécessairement un préjugé par rapport à l’ensemble des cas auxquels elle doit s’appliquer — elle peut en effet être juste pour la majorité de ces cas —, elle est un préjugé à coup sûr par rapport à chacun des cas singuliers qui se présentent. « Et il faut suivre ce préjugé — à moins que le cas ne soit particulièrement grave, ou qu’on ne voie tout de suite que la règle ne s’y applique pas correctement — parce que pour mieux agir il ne faut pas renoncer à agir, et passer son temps à délibérer.

Voici une autre raison de suivre des règles inflexibles ou quasi inflexibles. L’obéissance à une règle une fois adoptée crée en nous une habitude, une disposition à agir d’une manière déterminée quand un de ces cas se présentera que la règle prévoit. Supposons que la règle soit juste pour la majorité de ces cas auxquels

  1. Cité par Halévy, dans La formation du radicalisme philosophique, t. II, i, § i, p. 10.