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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/266

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nous pourrons nous affranchir de la règle sans qu’il en résulte de dommage pour notre moralité. De plus, la nécessité où nous serons de dissimuler, sinon de mentir, créera en nous une disposition vicieuse. Enfin il faudrait que notre pratique ésotérique restât tout à fait secrète : et il n’y a guère de chances, à l’ordinaire, pour que cela soit.

On le voit, il y a des raisons très sérieuses qui militent en faveur de l’adoption et de l’observation fidèle de règles pratiques spéciales. Parmi ces raisons il en est une qui sert aussi bien à fonder les règles de la technique ou celles de la prudence : c’est la raison que l’on tire de l’impossibilité où nous sommes d’étudier particulièrement tous les cas qui se présentent. Les autres raisons ne valent que pour la morale. Mais toutes tant qu’elles sont — il importe de le voir — ce sont des raisons purement utilitaires. C’est du principe suprême de l’utilité qu’elles se déduisent, pour venir apporter une complication — c’est en même temps, d’une certaine manière, une simplification — dans l’application de ce principe. Guyau a cru trouver un argument contre l’utilitarisme dans le fait que cette doctrine ne permettrait pas l’établissement de règles universelles, et qu’elle conduirait à une casuistique pareille à la casuistique dévote[1]. Évitons d’affirmer, de concevoir à priori qu’il doit y avoir des règles universelles : que signifie, dès lors, l’objection de Guyau ? elle consiste à reprocher à l’utilitarisme de produire des conséquences désastreuses. Mais dans ce reproche il y a une sorte de contradiction : vous invo-

  1. La morale anglaise contemporaine, 2e partie, II, 4, § 3.