Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/274

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de l’utilité. Prenons ce fait et cette loi en considération, inspirons-nous en morne temps du principe du bien général : nous arriverons à cette conclusion que pour remplir intégralement notre devoir nous devrions nous dépouiller de presque tout ce que nous possédons ; car étant donné le grand nombre des misères affreuses, il n’est presque aucune fraction de notre avoir, de nos revenus, qui ne serait plus utile à d’autres qu’elle ne nous peut être utile à nous-même[1].

Toutefois l’opinion que j’ai discutée, cette opinion qui attribue à la politique beaucoup plus d’importance qu’à la morale, ou qui même n’attribue d’importance qu’à la politique, a sa raison d’être comme protestation contre une morale par trop individualiste, contre des opinions pharisaïques et hypocrites. Et il faut bien se rendre compte, en outre, que rien de grand, qu’aucun résultat un peu général ne sera obtenu — dans l’ordre social, et même souvent par rapport à ces fins que la morale personnelle recommande — que par l’action politique. Comment espérer que jamais l’égalité présidera à la distribution des richesses, si l’action concertée de ceux qui souffrent de l’ordre social actuel et de ceux des privilégiés qui sont capables d’un peu de désintéressement ne réussit pas à établir par la force un ordre social nouveau ? Attendre l’instauration de l’éga-

  1. Les socialistes eux-mêmes n’ont pas vu cela : comme si la justification principale du socialisme n’était pas dans cette déperdition, dans ce gaspillage de bien-être qui accompagne l’inégale répartition des richesses (voir mon livre sur l’Utilité sociale de la propriété individuelle, 2e partie). Le plus clairvoyant — j’allais dire le plus sincère — des socialistes, M. Effertz, paraît n’exiger du socialiste que de réduire sa consommation au quotient de la production totale par le nombre des membres de la société (Arbeit und Boden, III, § 3 1) : il ne va pas encore assez loin.