Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/276

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être, on provoque pour l’avenir des représailles, des usages de la force politique qui seront fâcheux ; il faudra penser surtout que la violence faite aux gens, leurs convictions froissées, leur liberté diminuée peut-être, cela représente un mal réel, et qui parfois est très grand.

Autre remarque : il importe de distinguer, en politique, ce qui est bon en soi et ce qui est bon par rapport à des circonstances données. C’est le grand enseignement qui se dégage de la doctrine de Marx, que la politique doit être réaliste[1]. Telle forme d’organisation sociale est en soi préférable à telle autre : le régime communiste, si on le compare au régime individualiste de la propriété dans l’abstrait, apparaît comme supérieur à celui-ci : établissant parmi les hommes plus de liberté, plus d’égalité, il porte plus haut la somme totale du bonheur. Mais il ne faut pas conclure de là qu’à n’importe quel moment de l’histoire il eût convenu — comme il semble à Marx qu’il convient maintenant — d’instaurer ce régime communiste. Le régime esclavagiste, le régime féodal, le capitalisme ont été pour l’humanité des étapes nécessaires : aux époques où ils ont été en vigueur, l’avancement de la technique productive et d’autres circonstances analogues faisaient d’eux les régimes les plus propres à assurer le progrès de l’humanité. Ainsi je pourrai souhaiter qu’une certaine fin d’ordre politique soit atteinte un jour ; mais pour que cette fin se trouve être la meilleure, il est indispensable que de certaines conditions soient réalisées au préalable : et tant qu’elles ne

  1. Voir mon étude sur Karl Marx, déjà citée.