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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/277

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seront pas réalisées, je devrai vouloir une fin autre que celle où je désire aboutir.

De cette nécessité d’attendre, pour réaliser une fin où l’on aspire, que soient réalisées d’abord certaines conditions qui lui donneront son excellence, de cette nécessité résulte une conséquence curieuse. Pour que le conditions se réalisent sans lesquelles une réforme politique ne serait pas vraiment bonne, il faut, souvent, que l’adhésion de tous nos concitoyens, ou du moins de la majorité d’entre eux, soit acquise à cette réforme ; et cette adhésion est même la première des conditions en question. Comment s’y prendra-t-on, dès lors, pour gagner des partisans à la réforme souhaitée ? préviendra-t-on ceux à qui l’on s’adressera que cette fin à laquelle on cherche à les intéresser, on ne devra la réaliser — même si l’on a les moyens de la réaliser tout de suite, ou si l’on peut tout de suite tenter un effort dans ce sens — que plus tard, beaucoup plus tard peut-être ? Les gens sont ainsi faits que, lorsqu’on leur tient un tel langage, ils ne vous écoutent pas ; ils ne peuvent s’enthousiasmer, se mettre en action que pour des buts prochains. Et ce sera une nécessité pour l’homme politique de préconiser des mesures qu’il ne serait pas disposé à prendre si cela dépendait de lui, d’avoir sur les mêmes questions des attitudes différentes selon les milieux où il se trouvera, les circonstances où il sera placé : le candidat inscrira de certaines réformes sur son programme ; devenu député, il votera pour ces réformes s’il fait partie de l’opposition, s’il sait que ses votes ne doivent être suivis d’aucun effet ; mais il ne pourra plus voter pour elles si ses votes risquent de les faire aboutir, et, devenu membre du gouvernement, il