Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/32

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nécessaires ; ces règles, toutefois, qui jadis étaient confondues avec les règles relatives au respect de la vie, de la propriété, qui étaient accompagnées des mêmes sanctions, qui obligeaient de la même manière — c’est un point aujourd’hui hors de doute — sont sorties chez nous de la morale[1]. La sociologie contemporaine, dont l’attention souvent s’est portée presque exclusivement vers les sociétés primitives — soit à cause de la simplicité relative et de l’uniformité des phénomènes qu’on y observe, soit parce qu’à l’étude de ces sociétés convenaient mieux certaines méthodes, parce que leur structure justifiait mieux certaines conceptions chères à nos sociologues —, a trop négligé ce fait : il prouve à lui seul qu’il y a une morale autre que la morale vulgaire telle que je l’ai définie plus haut, et que cette dernière se laisse pénétrer par celle-là de plus en plus.

Bien entendu, ce progrès de la moralité ne peut avoir lieu que si de certaines conditions se trouvent réalisées. Je ne veux pas entreprendre de rechercher ces conditions et d’en indiquer l’importance exacte. On conçoit sans peine de quelle nature elles peuvent être : la complication croissante de la vie, par exemple, posera devant les individus des questions pour lesquelles les formules traditionnelles indiqueront des solutions contradictoires, et il faudra alors remonter de ces formules à quelque formule plus générale ; de la même façon, le travail que la doctrine des juristes opère sur le droit écrit, en même temps qu’il tend à satisfaire le

  1. On trouverait des régions où la séparation des deux sortes de règles est en train de s’établir, sans toutefois être encore bien nette ; dans notre société même, la séparation n’est pas faite très nettement par tout le monde.