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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/31

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grande, qu’il ait eu des précurseurs, que la morale nouvelle qu’il va apporter ne soit pas tout à fait nouvelle, qu’elle réponde aux aspirations plus ou moins conscientes des contemporains, comme il faut aussi que les circonstances extérieures favorisent la prédication de ce prophète. Il n’en demeure pas moins que celui-ci, par son action, détermine un courant d’idées qui se propagera à des distances incalculables.

Ainsi la morale des sociétés avancées sera déjà fort différente de la morale vulgaire pure qui a été définie plus haut, de la morale des sociétés barbares ou primitives. La morale des sociétés européennes actuelles, par exemple, attache aux motifs des actions une importance que les Grecs de l’époque héroïque étaient très éloignés d’attribuer à ces motifs. Cette morale, en outre, contient des traces nombreuses d’un travail de généralisation qui s’est poursuivi pendant des siècles, et qui se continue toujours. On tend de plus en plus à ramener tous les préceptes moraux à des règles très générales, notamment à la règle de la justice — pour laquelle d’ailleurs on est loin d’avoir trouvé une formule nette et définitive —. On modifie les préceptes qui peuvent en quelque façon se rattacher à ces règles générales, mais qui toutefois, tels qu’on les enseignait naguère, ne se laissent pas déduire d’elles rigoureusement. On élimine, d’autre part, les préceptes qui n’ont avec ces règles aucun rapport, ou du moins on les rejette dans un domaine que l’on distingue parfaitement de la morale : les règles de la politesse, de l’étiquette, les usages et les modes relatives au vêtement s’imposent à nous d’une façon très rigoureuse, et souvent se font obéir mieux que les règles morales les plus