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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/34

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sition se marque entre la moralité « conventionnelle » et la moralité « rectale », comme les appelle M. Jones, je dirais entre la moralité vulgaire et la moralité rationnelle. Une de ces bêtes montre par sa conduite qu’elle n’est capable de refréner ses passions qu’autant qu’elle est menacée d’un châtiment ; elle imagine des ruses ingénieuses pour donner le change à son maître quand elle a manqué à ses devoirs ; et elle ne se reconnaît de devoirs que lorsqu’elle a reçu des ordres positifs ou des défenses du maître[1]. Au contraire, une bête de la même espèce, un chien, agit conformément à des règles qu’il s’est données à lui-même : le chien de M. Jones s’interdit, de toucher aux objets qui ont reçu une façon de l’homme, quelle qu’elle soit ; il s’abstient de faire du mal aux gens, et à ses semblables, même lorsqu’il est attaqué.

Arrêtons-nous un peu sur ces deux règles. Dira-t-on de la première qu’elle procède d’un sentiment de respect de la bête pour l’homme, son supérieur, que ce respect s’étend, par un processus psychologique facilement intelligible, à tout ce que l’homme a fabriqué, et que le respect c’est de la crainte, une crainte sublimée si l’on veut, détachée de la vue du châtiment, mais de la crainte encore ? Il n’est pas sûr que par là on ne laisse pas échapper quelque autre élément de ce sentiment de respect, un élément qui serait sans rapport aucun avec la crainte. Et que pourra-t-on dire de la seconde règle, dont l’observation, par parenthèse, est une victoire remportée sur les instincts les plus impérieux du car-

  1. À dire vrai, la crainte du châtiment n’est pas le seul mobile qui inspire la moralité vulgaire ; celle-ci procède de plusieurs sources : je l’ai noté déjà plus haut, en passant ; il convient de le rappeler ici.