Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/36

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Ces éléments étrangers qui contaminent la moralité rationnelle sont extrêmement nombreux et variés. Il y a d’abord ce fait qui est la source principale de la moralité vulgaire, si du moins l’on ne veut pas remonter à l’origine première de celle-ci, et que l’on considère des individus vivant dans une société déjà ancienne et pourvue d’une tradition : c’est à savoir notre instinct d’imitation, ou, pour être plus précis, notre faculté d’être suggestionnés, notre docilité à accepter les enseignements de la société dont nous faisons partie, à nous approprier les croyances répandues autour de nous. Il y a la crainte du châtiment, lorsque des peines sont attachées à la violation des prescriptions de la morale. Il y a la crainte de cette sanction diffuse qu’est la réprobation de nos semblables. S’agit-il d’une violation de la loi dont nous sommes assurés qu’elle ne sera connue de personne ? l’habitude d’être blâmés quand nous manquons à la loi fera que nous ne pourrons envisager cette violation sans éprouver un sentiment — on peut l’appeler du nom de respect, et c’est pour le moins une variété du respect — dans lequel il subsiste de la crainte, qui est en quelque sorte une crainte sans objet. La loi morale d’ailleurs, et le commandement qui nous enjoint d’y obéir, ne nous apparaissent pas, à l’ordinaire, comme extérieurs ; ainsi que l’a montré l’analyse très fine de Bain, il se fait dans notre esprit une imitation par nous-mêmes de ces commandements qui nous viennent du dehors[1] ; et Bain a eu tort, sans doute, de se refuser à voir dans la conscience

  1. The emotions and the will, Londres, Longmans et Green, 1865, I, 15, § 21.