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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/39

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temps et de leur milieu quand il s’est agi pour eux de donner un contenu à la morale[1].

S’il est vrai que la moralité rationnelle ne se rencontre jamais à l’état de pureté parfaite, il n’est pas moins certain que cette moralité rationnelle existe, qu’après être apparue au milieu d’une moralité toute différente, elle tend de plus en plus à prévaloir sur cette dernière, à se distinguer des éléments étrangers auxquels elle se trouve mêlée et à les dominer. Spencer, et d’une manière générale tous les empiristes ont eu tort de vouloir résoudre toute moralité en des éléments tels que la sympathie, de vouloir expliquer toute moralité à l’aide de facteurs tels que l’éducation ou la pression des nécessités de la vie sociale. Pour eux, il n’y a rien d’autre dans la moralité que ce qui compose la moralité vulgaire. Et à ce compte, ils eussent dû s’abstenir de construire une doctrine morale ; car toute tentative de fonder une morale philosophique suppose, pour pouvoir se justifier, l’existence de ce besoin mo-

  1. La moralité vulgaire ne se mêle pas seulement, comme on vient de le voir, à la moralité rationnelle ; elle peut se mêler à tous les sentiments forts. Le sentiment moral vulgaire pénètre les inclinations durables et fait regarder comme un devoir de satisfaire ces inclinations, parce qu’il y a une analogie entre l’influence de l’inclination durable, laquelle nous porte à accomplir de certaines actions toujours pareilles, et l’influence de la règle morale à nous enseignée par notre milieu. Le même sentiment moral vulgaire se combinera mieux encore avec la passion, à cause de la violence impérieuse de celle-ci, de son origine encore, de la disproportion que l’on remarque entre sa cause et ses effets, toutes choses qui font souvent attribuer à la passion un caractère sacré. Et le sentiment moral complexe, mi-vulgaire, mi-rationnel, se combinera lui aussi avec l’inclination et la passion. Toutefois, l’importance de ce phénomène ne doit pas être exagérée. Et surtout il faudrait se garder de croire que le sentiment moral s’attache à tous les sentiments actifs forts, qu’il est un complément inséparable de ceux-ci.