Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/43

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comporte souvent, qu’à démêler les tendances qu’ils révèlent, à formuler d’une manière absolue les idées qui donnent à leurs œuvres leur caractère propre et leur intérêt. Une telle façon de procéder ne serait pas de mise dans une étude historique, dans un travail qui prétendrait juger les ouvrages de nos philosophes ; elle est légitime quand on se propose de chercher la vérité par la confrontation des théories opposées ; alors il est licite, bien mieux, il convient de donner à ces théories la rigueur qu’elles n’ont pas à l’ordinaire chez ceux qui les ont émises.

La thèse que certains des philosophes de l’école « sociologique » ont expressément formulée, et que d’autres inclinent à adopter, est qu’il faut renoncer à construire la morale. La spéculation philosophique s’est évertuée, jusqu’à nos jours, à déterminer un idéal pour la conduite, des règles que les hommes seraient tenus, d’une manière ou de l’autre, de suivre. Une telle recherche est vouée à l’insuccès : elle est vaine et chimérique, et doit être abandonnée. Que faut-il donc faire ? s’attacher aux croyances, aux idées morales, lesquelles sont une réalité — une réalité sociologique —, les étudier d’une manière objective, comme la physique étudie les phénomènes de la chaleur ou de la lumière, les ramener à des lois, édifier, en un mot, la science des mœurs, qui n’existe pas encore. Et quand cette science aura été constituée, quand on saura comment les croyances morales se forment, comment elles se modifient, alors il sera possible d’agir sur elles, de même que l’on peut agir sur les forces de la nature, les détourner, les utiliser, quand on sait à quelles lois