Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/45

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qui ne sont plus la science des mœurs[1]. Il peut être nécessaire, pour modifier les croyances morales, de savoir les facteurs extérieurs par lesquels on agit sur elles. Mais dans quel sens modifierez-vous ces croyances morales — je parle ici des croyances morales particulières — ? voilà ce que la science des mœurs ne saurait vous apprendre. Supposons que l’on se propose comme but de supprimer la misère. La science des mœurs pourra nous faire connaître les meilleurs procédés pour faire entrer dans tous les esprits l’idée que l’on doit travailler à la suppression de la misère ; comment nous ferait-elle connaître les voies les meilleures pour atteindre ce but ? seule la science économique, ou la science sociale en général, nous fixera là-dessus. En somme, ces applications pratiques de la science des mœurs dont on nous entretient remplaceront la pédagogie ou l’art de l’enseignement, que l’on estime insuffisamment efficaces parce qu’ils n’emploient que des moyens d’ordre psychologique ; elles ne remplaceront nullement l’ancienne morale, qu’il est cependant indispensable de remplacer. Lorsque je veux irriguer une terre, je demande aux sciences de la nature comment je dois m’y prendre pour amener de l’eau dans cette terre ; lorsque je veux supprimer la misère, ou faire disparaître, encore, telle sorte de crimes, c’est à la science économique, à l’anthropologie et à la sociologie criminelles que je m’adresserai, et s’il me faut m’adresser aussi à la science des mœurs, c’est d’une manière accessoire, c’est pour obtenir — il n’y avait rien de tel

  1. Je dois dire qu’il y a une indication dans ce sens chez M. Lévy-Bruhl, 9, § 2, pp. 275-276.