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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/51

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être établie par les observations scientifiques qui se poursuivent actuellement, sera différente de celle qui a été admise à priori par les moralistes, qu’ainsi, pour l’instant tout au moins, il faut s’abstenir de vouloir légiférer pour l’humanité tout entière. La conception de l’homme dont la psychologie et la morale théorique se sont contentées jusqu’à ce jour est pauvre et artificielle, elle est liée à des croyances religieuses comme celle à un principe spirituel qui habite le corps et qui lui survit, comme la croyance, encore, à telle origine de ce principe ; il est vain de chercher à asseoir sur cette conception une morale universelle[1].

Cet argument que je viens d’exposer tire quelque force des erreurs où sont tombés souvent les philosophes. Il est certain que ceux-ci, lorsqu’ils ont développé le détail de leurs morales, et même lorsqu’ils ont établi les fondements de ces morales, se sont appuyés plus d’une fois sur une psychologie trop spéciale — la psychologie des hommes de leur temps, de leur pays, de leur milieu social —, ou sur une psychologie inexacte — soit que des préjugés d’origine religieuse les aient empêchés de voir les hommes tels qu’ils sont, soit pour d’autres causes —. Mais de telles erreurs n’ont rien de fatal. Il suffit, pour qu’elles puissent être évitées, que la constitution mentale des hommes, variable à l’infini dans ses modalités, demeure essentiellement la même chez tous. M. Lévy-Bruhl ne va pas jusqu’à nier qu’il en soit ainsi ; il accorde même que le progrès des études sociologiques récemment entreprises démontrera probablement l’unité de la nature

  1. Voir Lévy-Bruhl, 3, § 1.