Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/67

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Peut-être croira-t-on que M. Fouillée, dans les passages cités ci-dessus, ne vise que le devoir kantien. Il n’en est pas ainsi, et c’est ce que fait voir sa discussion de la « morale indépendante »[1]. Dans cette discussion, il représente que le devoir renferme l’idée d’une fin absolue, d’une fin qui s’impose sans condition et sans restriction, et que l’absolu est quelque chose de métaphysique[2]. Il demande que l’on examine si la volonté du bien trouvera dans la nature un obstacle insurmontable ou un concours, et déclare qu’il n’est pas indifférent à la morale « que l’univers se développe ou non selon un plan conçu par la pensée divine, qu’il marche ou non vers un but fixé par la main divine »[3].

Chose assez singulière, M. Fouillée, qui verse si souvent dans la métaphysique, ne croit pas à celle-ci. Il tient du moins que la métaphysique ne peut produire que des hypothèses non susceptibles de vérification. Mais cela ne l’arrête pas ; il n’en persiste pas moins à établir un lien de dépendance entre la morale et la métaphysique : s’il est une partie de la morale, dit-il, entièrement scientifique et positive, qui roule toute sur des faits et des idées, c’est-à-dire sur des choses d’observation et de raisonnement, il en est une autre « philosophique et métaphysique, [qui] roule sur

  1. II, 3, § 2. Dans ce passage, M. Fouillée soutient exactement le contraire de ce que j’ai dit. Il accorde que la morale, en tant qu’elle étudie des relations particulières, dérivées, offre un caractère purement scientifique ; mais quand il s’agit de déterminer le « point fixe auquel toute la morale doit en quelque sorte venir se suspendre », il veut que l’on ait recours à la métaphysique (pp. 65-66).
  2. Pp. 67-68.
  3. P. 74 ; les mots mis entre guillemets sont de Vacherot, lequel pense que la présence ou l’absence de la finalité dans l’univers n’importent pas à la morale.