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des principes ultérieurs, des hypothèses et des croyances qui échappent à la vérification »[1]. C’est de la « morale théorique » que M. Fouillée parle en ces termes, comme si elle pouvait s’accommoder de reposer sur des bases incertaines, comme si elle pouvait reposer sur autre chose, surtout, que sur ces besoins, sur ces caractères de notre nature psychique que nous saisissons immédiatement en nous-mêmes.

Mais il y a mieux encore que tout cela : et c’est l’idée que M. Fouillée a eue de tirer des conséquences de l’impossibilité même où nous sommes d’arriver à la certitude dans l’examen des problèmes métaphysiques, de la présence d’un « inconnaissable » auquel nous nous heurtons dès que nous voulons dépasser la connaissance des phénomènes[2]. Il déclare par exemple que le mystère métaphysique dont nous sommes entourés condamne l’égoïsme. Mais l’égoïsme — entendons l’égoïsme en tant qu’il prétendrait s’ériger en doctrine — peut avoir sa justification dans ce que nous savons — d’un savoir positif — de nous-mêmes ; en tous cas c’est se jouer, à ce qu’il semble, que de conclure contre lui, non pas même de spéculations hypothétiques que l’on ferait sur l’essence du moi, mais du caractère nécessairement hypothétique de telles spéculations.

Je ne rechercherai pas comment M. Fouillée, après beaucoup d’autres, a été conduit à lier comme on vient de voir la morale à la métaphysique. La première cause de cette erreur est sans doute un attachement que nos philosophes ne peuvent pas rompre, même lorsqu’ils

  1. P. 16 (I, 2).
  2. Pp. xi-xiii (Préf.) et passim.