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III

S’il y a eu beaucoup d’auteurs pour ne pas voir le caractère humain de la morale, il y en a eu aussi pour ne pas voir son caractère rationnel. Cette dernière tendance est représentée de nos jours par M. Rauh ; et c’est dans l’ouvrage de celui-ci sur L’expérience morale que j’en chercherai l’expression pour la discuter.

M. Rauh, comme MM. Simmel et Lévy-Bruhl, est l’adversaire des théories morales ; mais, s’il s’accorde avec eux dans la critique, les conclusions positives auxquelles il aboutit lui sont propres. On a vu que M. Lévy-Bruhl ne visait à rien de moins qu’à détruire tout ce que l’on entendait jadis par le nom de morale, pour ne laisser subsister que la science des mœurs et les applications de cette science ; entreprise vaine d’ailleurs, puisque les applications prévues par M. Lévy-Bruhl correspondaient à la vieille « morale pratique », et que la nécessité de diriger ces applications vers des fins conduisait même à édifier une « morale théorique ». M. Rauh, lui, se tient plus près de la philosophie classique ; le mot de morale ne lui fait pas peur ; il conserve la notion du devoir, dont il fait une analyse des plus fines[1]. Sa préoccupation est exactement celle qui guide à l’habitude les moralistes : il cherche à savoir comment nous devons nous comporter dans les mille si tuations, dans les circonstances si diverses où la vie

  1. L’expérience morale, Paris, Alcan, 1903, 1, § 3 (pp. 17 sqq.).