Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/80

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de développer une pensée une fois donnée, mais non de la réfléchir : il voit là une mutilation volontaire de l’esprit. Pour lui, le sentiment est par rapport à la conscience morale comme la nature par rapport à la pensée scientifique : la pensée utilise la nature, elle l’interprète, elle ne s’y soumet pas. C’est une contradiction, dit-il encore, de diviniser l’instinct, puisque c’est la raison qui l’élève à ce rang et que, le jugeant, elle se met au-dessus de lui[1].

On notera de même l’affirmation par M. Rauh d’un « devoir de non-contradiction ». M. Rauh avance qu’ « il n’est pas nécessaire que le contenu d’une action soit qualifié moralement pour que la contradiction sans raison ou motivée par l’intérêt paraisse immorale » ; c’est qu’en effet, dit-il, le premier devoir de l’honnête homme est d’user de son intelligence, de sa raison ; et la première forme de la raison, c’est la raison logique, le maintien d’une affirmation comme telle[2]. Et peut-être pourrait-on trouver qu’un tel rationalisme est mal entendu ; peut-être pourrait-on soutenir que la logique n’a de prix que lorsqu’elle sert à nous maintenir dans la vérité, ou à nous acheminer vers elle. L’assertion à M. Rauh n’en demeure pas moins significative.

Non moins intéressante que la précédente est cette autre assertion de M. Rauh que pour faire choix d’une croyance il faut tenir compte de la quantité de ses adhérents, de sa puissance d’expansion[3]. La pensée individuelle ne se suffit pas à elle-même. « Je ne peux

  1. Pp. 101-103 (5, § 1) ; cf. p. 124 (§ 2).
  2. Pp. 146-148 (6, § 3).
  3. Voir pp. 125 sqq. (5, § 3).