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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/96

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agisse en nous, et que plus nous devenons conscients — plus notre moi prend de réalité, en quelque sorte, par l’exercice de la réflexion —, plus elle acquiert d’empire sur notre conduite[1].


Dans ce qui précède, il a été pris pour accordé que la raison était une force agissante, qu’elle pouvait avoir une part dans nos déterminations. Des conceptions, cependant, se sont fait jour sur ce point qui diffèrent notablement de la mienne. On connaît la théorie de Kant. Pour lui, le devoir est un fait de la raison, un principe à priori, et néanmoins apodictiquement certain, de cette raison en tant que pratique. Mais comment un principe rationnel aurait-il une influence sur le sentiment ? comment déterminerait-il, ou contribuerait-il à déterminer des actions ? cela est impénétrable à la raison spéculative, déclare Kant ; c’est une chose incompréhensible. Et toutefois cette influence du principe pratique de la raison est certaine, pour Kant ; la réalité du principe ne faisant pas de doute, ne faut-il pas que ce principe ne demeure pas impuissant ? Ainsi la loi morale donnera naissance à des sentiments, et tout d’abord au sentiment du respect, lequel n’a rien de « pathologique », autrement dit, qui ne saurait être rapporté ni au plaisir ni à la douleur, mais qui procède uniquement de la représentation de la loi. Et en même

  1. M. Gourd (Le sacrifice, Revue de métaphysique, 1902 ; v. pp. 137-138) dit que la morale n’est pas un objet d’obligation ; seulement, une fois acceptée, cette morale nous impose l’obligation. Dans cette façon de s’exprimer, il y a quelque chose d’un peu tautologique. Ce qu’il faut dire, c’est que la morale n’a d’autorité, de valeur, qu’autant que la raison agit en nous ; mais quand la raison agit, nous constatons que cette action présente des caractères particuliers.