Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/98

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de voir, on en trouverait plusieurs. Il y a d’abord l’opinion que Kant avait adoptée, à la suite de la plupart des psychologues du XVIIIe siècle, que l’homme est mû uniquement par l’attrait du plaisir et l’aversion pour la peine. Une telle opinion paraît à Kant incompatible avec la croyance à une efficacité naturelle du motif rationnel : quelque fin que la raison nous fasse rechercher, le motif rationnel, pour autant qu’il agira, qu’il ajoutera quelque chose à la force attractive dont cette fin peut être pourvue par ailleurs, n’aura rien de commun, pense Kant, avec l’attrait du plaisir.

D’autre part, la façon dont Kant se représentait le déterminisme devait l’empêcher d’admettre que la raison eût une action dans le monde des phénomènes. La notion que Kant avait du déterminisme, il l’avait puisée dans l’étude de la physique, de la mécanique, des mathématiques surtout ; et l’idée qu’une action pût résulter, même pour partie, de la préférence donnée par la raison de l’agent à cette action sur l’action contraire, cette idée ne paraît guère s’accorder avec un tel déterminisme : on peut dire que plus l’enchaînement des faits est conçu conformément aux exigences de la raison spéculative, plus il est difficile de croire que la raison pratique intervienne dans la production de ces faits.

Mais la cause principale de l’erreur où Kant est tombé, c’est sa conception du devoir, où il voit un principe rationnel sans doute, mais en même temps absolu, supérieur en quelque sorte et extérieur à notre moi, je veux dire à ce moi que nous connaissons, qui, pensant et agissant, sait ce qu’il pense et comment il agit. Comment faire d’un tel principe une force psychologique essentiellement pareille aux autres, se com-