Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/103

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complet destiné à embrasser tout le vrai savoir. Les résultats obtenus par l’école athénienne exercent certainement encore à notre époque une grande influence, surtout en Allemagne ; cela admis, il est inutile d’insister longuement pour démontrer l’importance historique de cette école. Mais cette importance historique a-t-elle été un bien ou un mal ?

L’examen de ces systèmes en eux-mêmes et dans leur opposition purement théorique contre le matérialisme nous oblige à formuler un jugement défavorable et nous pourrions même aller plus loin. On dit ordinairement qu’avec Protagoras commença la dissolution de l’ancienne philosophie grecque ; et qu’il fut dès lors nécessaire d’asseoir cette dernière sur une base nouvelle ainsi que fit Socrate en ramenant la philosophie à la connaissance de soi-même. Nous verrons bientôt jusqu’à quel point l’histoire de la civilisation autorise cette opinion ; celle-ci ne peut d’ailleurs s’appuyer que sur l’étude de l’ensemble de la vie intellectuelle des Grecs. La philosophie, surtout la philosophie théorique, prise en elle-même, ne peut pourtant pas être supprimée : par l’invention d’un système exact, pour recommencer ensuite la série de ses précédentes erreurs. On pourrait sans doute arriver à cette idée, si l’on étudiait par exemple l’évolution philosophique de Kant à Fichte ; mais tous ces phénomènes doivent être expliqués par l’histoire totale de la civilisation, la philosophie n’étant jamais isolée dans la vie intellectuelle d’un peuple quelconque. À considérer la question sous le rapport purement théorique, le relativisme des sophistes était un progrès réel dans la théorie de la connaissance, et loin d’être la fin de la philosophie, c’en était plutôt le véritable commencement. Ce progrès est manifeste surtout dans l’éthique ; car ces mêmes sophistes, qui semblaient détruire les bases de toute morale, aimaient précisément à se poser comme professeurs de vertu et de science politique. Ils remplacèrent ce qui est bien en soi par ce qui est utile à l’État. C’était se rapprocher singulièrement de la règle fondamentale de l’éthique de Kant : « Agis