Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce successeur utilise les résultats obtenus, tout en dénaturant les principes d’où ils découlent. Mais, pendant la brillante époque de la jeune philosophie athénienne, les questions de morale et de logique prirent une prépondérance telle que toutes les autres furent oubliées.

D’où vint cette prépondérance des questions de morale et de logique ? En répondant à cette demande, nous verrons quel était le principe qui fît naître la nouvelle tendance philosophique, et lui communiqua une énergie qui l’éleva bien au-dessus d’une simple réaction contre le matérialisme et le sensualisme. Mais ici on ne peut séparer le sujet d’avec l’objet, la philosophie d’avec l’histoire de la civilisation, si l’on veut savoir pourquoi certaines nouveautés philosophiques ont obtenu une importance aussi décisive. Ce fut Socrate qui donna le jour à la nouvelle tendance ; Platon la marqua du sceau de l’idéalisme ; et Aristote, en la combinant avec des éléments empiriques, créa ce système encyclopédique qui devait enchaîner la pensée de tant de siècles. La réaction contre le matérialisme atteignit dans Platon son point culminant ; le système d’Aristote ensuite combattit les idées matérialistes avec la plus grande opiniâtreté ; mais l’attaque fut commencée par un des hommes les plus remarquables dont l’histoire fasse mention, par un homme d’une originalité et d’une grandeur de caractère étonnantes : l’Athénien Socrate.

Tous les portraits de Socrate nous le représentent comme un homme d’une grande énergie physique et intellectuelle, une nature rude, tenace, sévère envers elle-même, exempte de besoins, courageuse dans la lutte, supportant très bien les fatigues et même, quand il le fallait, les excès dans les banquets d’amis, en dépit de sa tempérance habituelle. Son empire sur lui-même n’était pas le calme naturel d’une âme dans laquelle il n’y a rien à maitriser, mais la supériorité d’une grande intelligence sur un tempérament d’une sensualité fougueuse (41). Socrate concentra toutes ses facultés, tous