Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/119

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trouve-t-il poussé dans ses retranchements ? Il oppose alors un semblant de réponse ou son célèbre : je ne sais. Il a l’air de se contenter de la négation de la négation et croit se montrer digne de l’oracle qui l’a déclaré le plus sage des Hellènes en avouant qu’il a conscience de son ignorance, tandis que les autres ne savent pas même qu’ils ne savent rien. Toutefois ce résultat, en apparence purement négatif, est à une distance infinie du scepticisme ; car, tandis que le scepticisme nie même la possibilité d’arriver à une science certaine, la pensée que cette science doit exister dirige toutes les recherches de Socrate. Mais il se contente de faire place à la véritable science en détruisant la fausse science, en établissant et en utilisant une méthode qui nous rend aptes à discerner le vrai savoir du savoir apparent. Substituer la critique au scepticisme est donc le but de cette méthode, mais à sa foi dans la science, dans l’objet de cette science : l’essence universelle des choses, ce pôle fixe au milieu de la mobilité des phénomènes. Sans doute, la loi de Socrate dépassa le but ; cependant, en marchant dans cette voie, on fit le pas indispensable, devenu impossible au relativisme et au matérialisme dégénérés. On compara les individualités aux généralités, on opposa les idées aux simples perceptions. Si l’ivraie de l’idéalisme platonicien poussa en même temps que le froment, du moins le champ avait été mis en culture. Labouré par une main vigoureuse, le terrain de la philosophie produisit de nouveau une récolte cent fois plus abondante que la semence, et cela au moment où il menaçait de rester inculte.

Parmi tous les disciples de Socrate, Platon surtout fut embrasé de l’ardeur religieuse communiquée par le maître ; ce fut aussi Platon qui développa le mieux dans toute leur