Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/122

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métaphores jusqu’aux hauteurs inabordables de l’abstraction, n’est jamais impunie : car l’image maîtrise la pensée et entraîne à des conséquences où toute rigueur logique s’évanouit, au milieu du charme d’une association d’idées sensibles (48).

Avant de s’attacher à Socrate, Platon avait étudié la philosophie d’Héraclite ; il y avait appris qu’il n’existe pas d’être constamment en repos, mais qu’au contraire, toutes choses sont entraînées par un courant perpétuel. Croyant ensuite trouver dans les définitions de Socrate et dans l’essence générale des choses exprimées par ces définitions une certaine stabilité, il combina les doctrines des deux philosophes et il n’attribua le repos, la stabilité inséparables de l’être véritable, qu’aux seules généralités. Quant aux choses individuelles, elles ne sont pas, à proprement parler, elles deviennent seulement. Les phénomènes s’écoulent, sans avoir d’essence ; l’être véritable est éternel.

D’après la science actuelle, on ne peut définir que les idées abstraites, que l’on a créées soi-même, comme celles du mathématicien qui cherche à se rapprocher à l’infini de la nature quantitative des choses sans pouvoir jamais en épuiser les derniers éléments avec ses formules. Toute tentative pour définir les choses réelles est infructueuse ; on peut fixer arbitrairement l’emploi grammatical d’un mot ; mais, quand ce mot doit désigner une classe d’objets, d’après leurs caractères communs, on reconnaît toujours, tôt ou tard, que les objets doivent se classer différemment, et qu’ils ont d’autres caractères déterminants que l’on n’avait pas remarqués d’abord. L’ancienne définition devient inutile et il faut la remplacer par une nouvelle qui, de son côté, ne peut pas plus que la première prétendre à une éternelle durée. Aucune définition d’une étoile fixe ne peut l’empêcher de se mouvoir ; aucune définition ne peut tracer pour toujours une ligne de démarcation entre les météores et les autres corps célestes. Toutes les fois que