Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/14

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prouve que le philosophe, chez Lange, satisfaisait pleinement aux conditions énoncées.

Ce ne sont là pourtant que les règles qui doivent présider aux études du philosophe. Une âme philosophique ne s’obtient pas à ce prix seulement. Il y faut des dons naturels, que l’éducation peut développer, mais auxquels elle ne saurait suppléer. Les généreuses dispositions dont Platon excelle à nous tracer le portrait dans le Phèdre et dans le VIIe livre de la République ; le besoin inné de l’unité de la forme ; le dégoût de la réalité sensible, qui pousse l’âme à s’envoler sur les ailes de l’imagination dans le domaine de l’idéal ; l’indépendance et la fierté naturelle, qui ne consent à voir dans la réalité physique que l’instrument fatal et toujours imparfait de la destinée morale : tous ces traits de l’âme philosophique sont résumés par Lange dans cette formule, si expressive sous sa concision, l’aptitude à « la libre synthèse ». Il faut avoir de l’âme pour avoir du goût, s’écriait notre Vauvenargues. Dans un sens analogue, Lange aurait pu dire aussi : Il faut avoir de l’âme pour être philosophe. Et la vie de Lange, telle que l’a décrite son ami Cohen, avec une admiration communicative et une pieuse sollicitude, aussi bien que la lecture de son œuvre, témoignent assez que nous avons affaire en lui à un esprit parent, bien qu’à un degré éloigné, de celui de Fichte, en qui la pensée est toujours à l’unisson du caractère ; qui ne regarde pas la philosophie comme la satisfaction d’une pure curiosité, mais comme la pratique d’un devoir social, et presque l’exercice d’une mission religieuse. C’est à lui qu’on peut appliquer cette belle parole de Fichte : « Chacun suit son propre caractère dans le choix qu’il fait de