Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/172

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tière non « existante », mais cependant indispensable pour la construction de l’univers, en corpuscules élémentaires et mobiles ; et Aristote, qui se refuse obstinément admettre l’existence du vide, qui érige en dogme la continuité de la matière, part, tant bien que mal, de ce point de vue si scabreux, pour rivaliser de clarté avec Démocrite, dans la théorie du changement et du mouvement.

Sans doute notre atomistique actuelle est en rapport beaucoup plus direct avec les sciences positives, depuis les progrès de la chimie, la théorie des vibrations et l’explication mathématique des forces qui agissent dans les plus petites molécules ; mais les relations de tous les phénomènes de la nature généralement si énigmatiques, de la naissance, de la décroissance, de la disparition apparente et de la réapparition inexpliquée des diverses matières, les relations des choses, en un mot, à un principe unique, absolu, à une conception fondamentale, palpable, pour ainsi dire, furent l’œuf de Colomb pour la science de la nature dans l’antiquité. L’intervention fantastique des dieux et des génies s’évanouit, comme par un coup de baguette merveilleuse ; et, quoi que pussent penser les natures méditatives relative mentaux choses cachées derrière le monde des phénomènes, le monde sensible restait dégagé de tout nuage aux yeux des savants ; même les véritables élèves de Platon et de Pythagore expérimentaient ou méditaient sur les phénomènes de la nature, sans confondre le monde des idées et des nombres mystiques avec ce qui se manifestait immédiatement à leurs regards. Cette confusion, dans laquelle sont tombés si lourdement quelques-uns des philosophes-naturalistes de l’Allemagne moderne, ne se produisit dans l’antiquité classique qu’au moment de la décadence, alors que les néo platoniciens et les néo pythagoriciens s’abandonnèrent à toutes leurs rêveries. La santé morale de la pensée, qu’entretenait l’action d’un sobre matérialisme, écarta longtemps les idéalistes grecs de ces voies funestes. Ainsi, sous un certain rapport, la philosophie hellénique con-