Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/183

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aux yeux même les plus perçants de découvrir les molécules qui s’ajoutent ou disparaissent dans toute naissance et toute destruction. La nature opère donc à l’aide de corpuscules invisibles, les atomes.

Lucrèce établit ensuite que la matière ne remplit pas tout l’univers, mais qu’il existe un espace vide dans lequel se meuvent les atomes. Il présente ici comme l’argument le plus concluant le raisonnement a priori suivant : si l’espace était rempli d’une manière absolue, le mouvement continu, dont nous constatons l’existence dans les choses, serait impossible. Viennent ensuite les preuves empruntées à l’observation. Les gouttes d’eau percent les roches les plus dures. Les aliments des êtres vivants pénètrent dans tout le corps. Le froid et le son traversent les murailles. Enfin les différences de poids spécifique ne peuvent être rapportées qu’à l’étendue plus ou moins grande du vide. À l’objection que l’eau s’ouvre devant les poissons parce qu’elle retrouve de l’espace ville derrière eux, Lucrèce répond en affirmant que c’est justement le premier commencement de ce mouvement qui est tout à finit incompréhensible dans la doctrine du plein. Comment en effet l’eau s’ouvre-t-elle devant le poisson, si l’espace dans lequel elle doit couler n’existe pas encore ? De même lorsque les corps se désagrègent, il doit se produire sur le moment un espace vide. La condensation et la raréfaction de l’air ne peuvent expliquer ces phénomènes ; elles-mêmes n’ont lieu qu’au tant que l’existence du vide entre les molécules permet à ces dernières de se presser les unes contre les autres.

En dehors des corps et de l’espace vide il n’existe rien. Tout ce qui existe se compose de ces deux éléments ou constitue un phénomène qui s’y rapporte. Le temps n’est rien par lui-même, il ne représente que la sensation de ce qui est arrivé à un moment déterminé, de ce qui était ou de ce qui sera, il n’a donc pas même autant de réalité que l’espace vide ; bref, on ne doit considérer les événements historiques que