Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des choses le caractère d’une explication purement mécanique qui s’accuse surtout dans l’Homme-machine de de la Mettrie. Il fallait donc s’en prendre à Descartes si l’on regardait, en dernière analyse, comme des effets mécaniques toutes les opérations de la vie intellectuelle et physique.

Descartes avait fondé la science de la nature sur cette assertion finale : nous devons douter de la réalité des choses qui sont en dehors de nous, mais nous pouvons admettre qu’elles existent réellement parce que, sans cela, Dieu serait un trompeur, lui qui nous a donné l’idée d’un monde extérieur.

Grâce à ce saut périlleux, Descartes se trouve transporté au milieu de la nature, sur un terrain qu’il a cultivé avec plus de succès que la métaphysique. Quant aux principes généraux de sa théorie de la nature extérieure, Descartes n’était point partisan de l’atomisme absolu : il niait qu’on pût se figurer des atomes. Y eût-il des molécules assez petites pour être indivisibles, leur divisibilité étant encore conçue par notre esprit, pourrait être réalisée par Dieu. Mais tout en niant ainsi les atomes, il était loin d’entrer dans la même voie qu’Aristote. En enseignant que l’espace est rempli d’une manière absolue, non-seulement il se fait de la matière une idée tout à fait différente de celle du Stagirite, mais encore, en physique, il est forcé d’admettre une théorie qui se rapproche beaucoup de l’atomistique. À la place des atomes, il admet des corpuscules ronds qui, en fait, restent aussi invariables que les atomes et ne sont divisibles que par la pensée ou en puissance ; au lieu du vide des atomistes anciens, il suppose des fragments d’une extrême ténuité, qui se seraient formés dans les interstices pendant que les corpuscules devenaient globulaires. En examinant cette hypothèse, on peut se demander sérieusement si la théorie métaphysique, qui remplit absolument l’espace, n’est pas, dans la pensée de Descartes, un simple expédient pour ne pas trop s’écarter de l’opinion orthodoxe, et pour jouir de