Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/284

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est inconnue. Mais, au point de vue psychologique, il est fort possible que les deux faces de la science, qui paraissent harmonieusement réunies dans le kantisme, aient été clairement entendues par Descartes chacune à part, quelque contradictoires qu’elles doivent paraître l’une à l’autre quand elles sont ainsi séparées, et qu’il les ait affirmées avec d’autant plus de force qu’il se voyait obligé de les réunir par le lien artificiel d’assertions hasardées.

Au reste, dans l’origine, Descartes n’accordait pas une grande valeur à toute sa théorie métaphysique, à laquelle aujourd’hui son nom reste principalement attaché, tandis qu’il regardait comme ayant une importance capitale ses recherches relatives à la connaissance de la nature et aux mathématiques, et l’application de sa théorie mécanique à l’universalité des phénomènes naturels (68). Mais comme sa nouvelle démonstration de l’immortalité de l’âme et de l’existence de Dieu avait été très-bien accueillie par ses contemporains, que le scepticisme préoccupait, Descartes se laissa aller sans peine au désir de passer pour un grand métaphysicien ; et dès lors il développa cette partie de sa doctrine avec une prédilection croissante. Nous ignorons si son premier système du monde se rapprochait du matérialisme plus que sa doctrine postérieure ; mais on sait que, par crainte du clergé, il refondit complètement l’ouvrage qu’il se disposait à publier. Ce qui est certain, c’est que, contrairement à ses propres convictions, qui se rapprochaient davantage de la vérité, il en retrancha la théorie du mouvement rotatoire de la terre (69).