Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/287

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la théologie. Ainsi Descartes, en expliquant par ses corpuscules la formation du monde, commençait par déclarer qu’il était incontestable que Dieu avait créé l’univers en une seule fois, mais qu’il y avait un grand intérêt à examiner comment le monde aurait pu se limiter par un développement successif, quoique nous sachions parfaitement qu’il n’en est rien. Une fois engagé dans la théorie physique, on ne voit plus partout que cette hypothèse cosmogonique ; elle est parfaitement d’accord avec les faits et ne laisse rien à désirer. La création divine devient dès lors une simple formule d’hommage. Il en est de même du mouvement. Après en avoir reconnu Dieu comme la cause première, le savant ne se préoccupe plus de cet aveu. Le principe de la conservation de la force par la transmission continuelle de l’impulsion mécanique, quoique très-peu théologique au fond, revêt ainsi néanmoins une forme théologique. Le prieur Gassendi procède de la même manière. Mersenne, autre théologien naturaliste, en même temps savant hébraïsant, publia sur la Genèse un commentaire dans lequel il réfutait toutes les objections des athées et des naturalistes, mais de telle sorte que maint lecteur hochait la tête, car l’auteur paraissait s’être plus attaché à rassembler les objections qu’à les réfuter. Mersenne, ami de Descartes et de Gassendi, cherchait à concilier leurs doctrines ; il était aussi l’ami de l’anglais Hobbes. Ce dernier, grand partisan du roi et du clergé anglican, n’en est pas moins regardé comme le chef et le père des athées.

Il est intéressant de voir Gassendi, pour excuser son attitude équivoque, s’étayer non sur les jésuites, ce qui eût été tout aussi possible, mais sur l’exemple d’Épicure. Dans sa biographie du philosophe grec se trouve une dissertation prolixe qui peut se résumer ainsi : intérieurement, Épicure pouvait penser ce qu’il voulait ; extérieurement, il devait se soumettre aux lois de son pays. Hobbes formula ce principe d’une manière encore plus énergique : l’État possède un