Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/347

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dit : « Ne jurez par aucun maître », et la communauté lui répond : « Pas même par Socrate » (78).

Au reste, dans son Pantheistikon, Toland s’en tient à des idées tellement générales que son matérialisme ne ressort pas d’une manière bien distincte. Ce qu’il y enseigne, par exemple, d’après Cicéron (78 bis), sur l’essence de la nature, l’unité de la force et de la matière (vis et materia) est en réalité plutôt panthéiste que matérialiste ; par contre, nous trouvons une physique matérialiste dans deux lettres adressées à un spinoziste et faisant suite aux Letters to Serena (Lettres à Séréna) (Londres, 1704). Séréna, qui a donné son nom à ce recueil de lettres, n’est autre que Sophie-Charlotte, reine de Prusse, dont on connaît l’amitié pour Leibnitz ; elle se montra également bienveillante pour Toland, durant son long séjour en Allemagne et écouta avec intérêt les théories de ce philosophe. Les trois premières lettres adressées à Séréna roulent sur des généralités ; mais Toland dit formellement, dans sa préface, qu’il a correspondu avec l’auguste princesse sur d’autres sujets encore bien plus intéressants ; n’ayant pas de copie correcte, il a cru devoir les remplacer par les deux lettres écrites à un spinoziste. La première renferme une réfutation du système de Spinoza, d’après lequel il serait impossible d’expliquer le mouvement et la variété intrinsèque du monde et de ses parties. La deuxième lettre touche au point capital de toute la doctrine matérialiste. Elle pourrait être intitulée « force et matière », si son titre réel, « le mouvement comme propriété essentielle de la matière » (motion essential to matter), n’était pas plus explicite,

Nous avons déjà vu plusieurs fois à quelle profondeur s’enfonce dans toutes les questions métaphysiques la vieille idée qui fait de la matière une substance morte, immobile et inerte. En face de cette idée, le matérialisme a simplement raison. Il ne s’agit pas ici de différents points de vue également vrais, mais de différents degrés de la connaissance scientifique. Quoique la conception matérialiste du