Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/355

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sans cesse des querelles ; et il est incontestable que son « matérialisme » joua un grand rôle dans les attaques de ses adversaires ; mais on ne doit pas oublier qu’il irrita par de tout autres motifs les orthodoxes et les conservateurs. On sait que, prédicateur d’une communauté de dissidents, il eut assez de loisir pour se livrer à l’étude des sciences physiques ; on sait moins bien qu’il fut aussi l’un des défenseurs les plus ardents et les plus intrépides du rationalisme. Il publia un ouvrage en deux volumes sur les Falsifications du christianisme ; et, parmi ces falsifications, il compte le dogme de la divinité du Christ. Dans un autre ouvrage, il enseigne la religion naturelle (8). Libéral en politique comme en religion, il blâma le gouvernement dans ses écrits et attaqua surtout les institutions ecclésiastiques et les privilèges du clergé anglican. On comprendra sans peine qu’un pareil homme devait s’attirer des persécutions, n’eût-il même pas enseigné que les sensations sont des fonctions du cerveau.

Faisons encore ressortir un trait caractéristique du matérialisme anglais. Le chef et l’orateur des incrédules n’était pas alors Hartley, le matérialiste, comme on pourrait le croire, mais Hume le sceptique, homme dont les conceptions suppriment tout à la fois le matérialisme, le dogmatisme de la religion et la métaphysique. Priestley écrivit contre lui, en se plaçant au point de vue de la théologie et du déisme, absolument comme les rationalistes allemands écrivaient à la même époque contre le matérialisme. Priestley attaqua aussi le Système de la nature, le principal écrit du matérialisme français ; mais, dans cet ouvrage, le zèle pour l’athéisme l’emportait sans contredit sur le souci de démontrer la théorie matérialiste. La complète sincérité de toutes ces attaques est prouvée non-seulement par le ton d’entière conviction avec lequel, à l’exemple de Boyle, Newton et Clarke, Priestley vantait l’univers comme chef-d’œuvre d’un créateur conscient, mais par l’ardeur persévérante, avec laquelle, comme plus tard Schleiermacher, il travaillait à pur-