Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de donner à son fils une excellente éducation. Au collège, le jeune de la Mettrie remportait tous les prix de sa classe. Ses facultés étaient spécialement tournées vers la rhétorique et la poésie. Il aimait passionnément les belles lettres ; mais son père, convaincu qu’un ecclésiastique se tire mieux des embarras de la vie qu’un poëte, voulut le faire entrer dans les rangs du clergé. Il fut donc envoyé à Paris, où il étudia la logique sous un professeur janséniste et se pénétra si bien des idées de son maître qu’il devint lui-même zélé janséniste. Il aurait même écrit un livre qui fut fort goûté de ce parti. Sa biographie ne nous apprend pas s’il se conforma à la mystique austérité et aux dévotes pénitences, par lesquelles se distinguaient les jansénistes. En tout cas, il ne peut pas avoir longtemps suivi ces pratiques.

Durant un séjour momentané à Saint-Malo, sa ville natale, un docteur de la localité lui inspira le goût de la médecine ; et le père se laissa persuader« qu’une bonne ordonnance était encore plus lucrative qu’une absolution ». Le jeune de la Mettrie étudia avec ardeur la physique et l’anatomie, obtint le doctorat à Reims, et pratiqua pendant quelque temps. En 1733, attiré par la renommée du grand Boerhaave, il se rendit à Leyde pour y recommencer ses études médicales.

Bien que Boerhaave ne professât plus, il s’était formé autour de lui une remarquable école de médecins jeunes et pleins de zèle. L’université de Leyde était alors un centre d’études médicales, tel qu’on n’en a pas revu de semblable. Auprès de Boerhaave même se groupaient ses élèves, qui lui témoignaient une vénération sans bornes. Le grand renom de cet homme lui avait valu des richesses considérables ; mais il vivait avec tant de modestie et de simplicité que son extrême générosité et son inépuisable bienfaisance témoignaient seules de l’étendue de sa fortune. Outre son admirable talent de professeur, on louait l’excellence de son caractère et même sa piété, quoiqu’il eût été soupçonné