Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/403

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comme tous les nerfs n’aboutissent pas à un seul et même point dans le cerveau, la première hypothèse est invraisemblable. Toutes les connaissances ne sont dans l’âme qu’au moment ou celle-ci est affectée par elles ; toute conservation de ces connaissances doit être ramenée à des états organiques.

Ainsi l’Histoire naturelle de l’âme, partant des idées ordinaires, conduit insensiblement au matérialisme ; à la fin d’une série de chapitres, se trouve la conclusion que ce qui éprouve des sensations doit également être matériel. De la Mettrie aussi ignore comment cela se passe ; mais pourquoi, d’après Locke, bornerait-on la toute-puissance du Créateur à cause de notre ignorance ? La mémoire, l’imagination, les passions etc., sont ensuite déclarées absolument matérielles.

Le chapitre, bien plus court, sur l’âme raisonnable traité de la liberté, de la réflexion, du jugement, etc., de manière à conduire également, autant que possible, vers le matérialisme, mais en réservant la conclusion jusqu’au chapitre intitulé : « La foi religieuse peut seule nous confirmer dans l’hypothèse d’une âme raisonnable. » Toutefois ce même chapitre a pour but de montrer comment la métaphysique et la religion en vinrent à admettre une âme : la vraie philosophie doit reconnaître franchement que l’être incomparable décoré du beau nom d’âme lui est inconnu. Ici de la Mettrie cite le mot de Voltaire : « Je suis corps et je pense », faisant voir avec plaisir comment Voltaire se moque de l’argumentation scolaire destinée à prouver qu’aucune matière ne peut penser.

On ne lit pas sans intérêt le dernier chapitre (64), intitulé : « Histoires qui prouvent que toutes les idées viennent des sens ». Un sourd-muet de Chartres, avant subitement recouvré l’ouïe et appris à parler, se montra ensuite dépourvu de toute idée religieuse, bien que dès sa jeunesse il eût été dressé à toutes les cérémonies et pratiques dé-