Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/458

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le pouvoir qu’elle confie à ses chefs, sur lesquels elle conserve toujours une autorité suprême, par la loi immuable de nature qui veut que la partie soit subordonnée au tout. » Ce passage du chapitre IX, sur les bases de la morale et de la politique, donne la règle générale. Le passage suivant du chapitre XI, sur le libre arbitre, n’indique-t-il pas qu’il trouverait encore son application à notre époque ? « Nous ne voyons tant de crimes sur la terre que, parce que tout conspire rendre les hommes criminels et vicieux. Leurs religions, leurs gouvernements, leur éducation, les exemples qu’ils ont sous les yeux, les poussent irrésistiblement au mal : pour lors la morale leur prêche vainement la vertu, qui ne seroit qu’un sacrifice douloureux du bonheur, dans des sociétés où le vice et le crime sont perpétuellement couronnés, estimés, récompensés, et où les désordres les plus affreux ne sont punis que dans ceux qui sont trop foibles pour avoir le droit de les commettre impunément. La société châtie les petits des excès qu’elle respecte dans les grands, et souvent elle a l’injustice de décerner la mort contre ceux que les préjugés publics qu’elle maintient ont rendus criminels. »

Ce qui distingue le Système de la nature de la plupart des écrits matérialistes, c’est le ton décidé avec lequel toute la deuxième partie de l’ouvrage, qui est encore plus forte que la première, combat, dans quatorze chapitres très-étendus, l’idée de Dieu sous toutes les formes possibles. Presque toute la littérature matérialiste de l’antiquité et des temps modernes, quand elle avait osé conclure en ce sens, ne l’avait fait que timidement. Même Lucrèce, aux yeux de qui affranchir l’homme des chaînes de la religion constitue la base la plus solide d’une régénération morale, fait mener du moins à certains fantômes de divinités, dans les intervalles des mondes, une existence énigmatique. Hobbes qui, en théorie, s’est assurément le plus rapproché de l’athéisme franchement déclaré, aurait fait pendre, dans un État athée, tout citoyen qui eût enseigné l’existence de Dieu ; mais, en