Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/465

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qu’après s’être donné tant de peine pour devenir populaire, après avoir fait un extrait de son principal ouvrage pour mettre le matérialisme « à la portée des femmes de chambre et des coiffeurs », comme disait Grimm, il déclara ensuite catégoriquement que cette théorie ne s’adresse pas à la masse du peuple ? D’Holbach qui, à cause de son radicalisme, était pour ainsi dire exclu des spirituels salons de l’aristocratie parisienne, ne partage pas les contradictions de plusieurs écrivains de cette époque, qui travaillaient de toutes leurs forces au renversement de l’ordre de choses existant et se posaient cependant comme aristocrates, méprisaient les stupides paysans et voulaient au besoin leur imaginer un dieu, afin d’avoir un épouvantail qui les maintînt dans la crainte. D’Holbach part du principe que la vérité ne peut jamais nuire. C’est la conclusion qu’il tire d’une assertion antérieure, d’après laquelle en général une notion théorique, bien que fausse, ne peut pas devenir dangereuse. Même les erreurs de la religion ne doivent leur influence pratique qu’aux passions qui s’unissent à elles et grâce au pouvoir séculier qui les maintient par la force. Les opinions extrêmes peuvent subsister les unes à côté des autres, pourvu que, par des moyens violents, on n’essaie pas de donner le pouvoir exclusif à aucune d’elles. Quant à l’athéisme, qui se fonde sur la connaissance des lois de la nature, il ne peut se généraliser, par la simple raison que la grande majorité des hommes n’a ni le temps ni le désir de s’élever, par de longues et sérieuses études, à une manière de penser entièrement nouvelle. Malgré cela, le Système de la nature est loin de laisser à la masse populaire la religion en remplacement de la philosophie. En désirant une liberté de pensée illimitée avec l’indifférence complète de l’État, il veut que les esprits des hommes puissent se développer naturellement. Ils croiront ce qu’ils voudront et apprendront ce qu’ils pourront. Les fruits des recherches philosophiques tourneront tôt ou tard au profit de tous, absolument comme il en est déjà des