Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/514

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par exemple, les phénomènes de la tacite aveugle de la rétine sont vrais comme perception. — Quand Zeller croit que la distinction entre la perception de l’image et la perception de l’objet ne ferait que reculer la difficulté, il y a probablement chez lui une méprise. À la question, comment distinguer les images fidèles des images infidèles ? on peut répondre : chaque image est fidèle, c’est-à-dire elle reproduit avec une certitude parfaite l’objet suivant les modifications qui résultent nécessairement des milieux et de la conformation de nos organes. Il ne faut donc jamais regarder une image comme infidèle ni lui en substituer une autre ; mais il faut reconnaître qu’il y a modification de l’image primitive. Il en est ici comme de toute autre notion : on forme une prolepse (πρόληψις présupposition) ; puis, en répétant l’expérience, on arrive à une opinion (δόξα). Que l’on compare, par exemple, la manière dont Rousseau, dans son Émile, fait sortir la théorie de la réfraction de la lumière du phénomène du bâton plongé dans l’eau. Quand même Épicure n’aurait pas étudié la chose avec cette perspicacité, la réponse que lui prête Cicéron : le sage doit savoir distinguer l’opinion (opinio) de l’évidence (perspicuitas), n’est probablement pas complète, ni le dernier mot de l’école épicurienne sur ce point. Il est évident au contraire que la distinction doit avoir lieu comme pour toute autre acquisition de connaissance : on se forme une idée, puis on y rattache une opinion qui doit naturellement résulter des données de la perception sur les causes de la modification subie par le phénomène.

60 [page 113]. Le passage qui se trouve p. 65 et suiv. de la première édition et dans lequel on discute, le registre du Cosmos de Humboldt à la main, sur le mérite d’Aristote comme naturaliste, a dû disparaître devant la pensée que la question était tranchée par le seul fait de la conservation des écrits d’Aristote au milieu de la perte générale des œuvres de la littérature grecque. Mais on peut encore se demander si l’influence d’Aristote n’est pas appréciée d’une manière trop favorable par cette phrase de Humboldt : « dans la haute estime de Platon pour le développement mathématique des idées comme dans les opinions morphologiques du Stagirite sur l’ensemble des organismes, se trouvaient en quelque sorte les germes de tous les progrès futurs des sciences naturelles. » La téléologie a évidemment sa valeur heuristique dans le monde des organismes ; mais le grand développement des sciences de la nature, dans les temps modernes, n’en date pas moins du renversement de la domination exclusive de cette conception du monde regardé comme un organisme ». La connaissance de la nature inorganique et par conséquent des lois générales de la nature se rattache bien plus à l’idée fonde mentale de Démocrite, qui seule rendit possibles la physique et la chimie.