Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/68

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se demande si dans certains passages il ne l’attaquerait pas sans le désigner. C’est probablement là ce qui fit dire que, dans un mouvement d’ardeur fanatique, Platon voulut acheter et brûler tous les écrits de Démocrite (15).

De nos jours, Ritter, dans son Histoire de la philosophie, a accablé la mémoire de Démocrite de tout le poids de son courroux antimatérialiste ; aussi applaudissons-nous à l’hommage impartial que lui rend Brandis et à l’apologie brillante et victorieuse que lui consacre Zeller ; car, parmi les grands penseurs de l’antiquité, Démocrite peut, en réalité, être regardé comme un des plus grands.

Malgré cela, nous connaissons mieux la doctrine de Démocrite que les opinions de maint philosophe, dont il nous reste de plus nombreux fragments. Nous pouvons attribuer cet avantage à la clarté et à la logique de sa conception du monde, qui nous permet de rattacher aisément à l’ensemble du système, même le plus petit fragment. Le fondement de sa doctrine est l’atomistique, qu’il n’a sans doute pas inventée mais dont nul certainement avant lui n’avait saisi toute l’importance. Nous montrerons dans le cours de notre Histoire du Matérialisme, que l’atomistique moderne est sortie de l’atomistique de Démocrite par des transformations lentes et successives. — Nous pouvons considérer les propositions suivantes comme constituant la base essentielle de la métaphysique de Démocrite :

1° « Rien ne vient de rien ; rien de ce qui existe ne peut être anéanti. Tout changement n’est qu’agrégation ou désagrégation de parties (16). »

Cette proposition, qui renferme déjà en principe les deux grandes thèses de la physique moderne : l’indestructibilité de la matière et la conservation de la force, se retrouve au fond, chez Kant, comme la première « analogie de l’expérience » : « malgré toutes les modifications des phénomènes, la substance persiste et sa quantité n’augmente ni ne diminue dans la nature ». — Kant trouve que de tout