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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/81

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Des grands principes qui servent de base au matérialisme de notre époque, un seul fait défaut chez Démocrite : c’est la suppression de toute téléologie, au moyen d’un principe purement physique qui fasse sortir la finalité de son contraire. En effet, un pareil principe doit être admis toutes les fois que l’on veut sérieusement établir une seule espèce de causalité, celle du choc mécanique des atomes. Il ne suffit pas de montrer que ce sont les atomes les plus subtils, les plus mobiles et les plus polis, qui donnent naissance aux phénomènes du monde organique ; il faut encore montrer pourquoi ces atomes produisent, au lieu de formes quelconques, des corps délicatement construits, comme ceux des plantes et des animaux, avec tous les organes nécessaires à la conservation des individus et des espèces. C’est seulement lorsque cette démonstration aura été faite qu’il sera permis de comprendre, dans toute la force du mot, le mouvement intellectuel comme un cas spécial du mouvement universel.

Démocrite vantait la finalité des formes organiques, surtout du corps humain, avec l’admiration d’un naturaliste penseur. Nous ne trouvons chez lui aucune trace de cette fausse téléologie que l’on peut appeler l’ennemie héréditaire de toute étude de la nature ; mais il ne fait pas la moindre tentative pour expliquer l’apparition de cette finalité par l’action aveugle de la nécessité naturelle. Nous ignorons si c’est là une lacune de son système ou seulement de ce qui nous est resté de ses œuvres. Cependant, nous savons que cette dernière thèse fondamentale de tout matérialisme s’est aussi produite parmi les spéculations philosophiques des Hellènes, et, sous la grossièreté de la forme, le sens en est parfaitement net et intelligible. Ce que Darwin a fait pour l’époque actuelle en s’appuyant sur une quantité considérable de connaissances positives, Empédocle l’avait fait pour l’antiquité ; il avait énoncé cette pensée simple mais décisive : il y a prépondérance des organismes appropriés à