Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/89

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nyme de toute fausse philosophie ; et depuis longtemps la réhabilitation d’Épicure et des épicuriens était ratifiée par les savants, alors que le nom de sophiste résumait encore toutes les hontes et l’on continuait de regarder, comme la plus insoluble des énigmes, le fait d’un Aristophane représentant Socrate comme le chef des sophistes.

Hegel et son école, réunis aux philologues modernes, débarrassés de toutes préventions, amenèrent l’Allemagne à juger les sophistes avec plus d’équité. Leur honneur fut défendu avec plus d’énergie encore en Angleterre par Grote, dans son Histoire de la Grèce, et avant lui par Lewes. Ce dernier déclare que l’Euthydème de Platon était aussi exagéré que les Nuées d’Aristophane. « La caricature de Socrate par Aristophane se rapproche de la vérité, autant que la caricature des sophistes par Platon, avec cette différence que l’une fut déterminée par des motifs politiques, et l’autre par une antipathie spéculative (32). » — Grote nous montre que cette haine, en quelque sorte fanatique, était toute particulière à Platon et à son école. Le Socrate de Xénophon est loin d’être aussi acharné contre les sophistes.

Protagoras ouvre une ère mémorable et décisive dans l’histoire de la philosophie grecque. Le premier, il prend pour point de départ non plus l’objet, la nature extérieure, mais le sujet, l’essence intellectuelle de l’homme (33). Il est en cela, sans aucun doute, le précurseur de Socrate ; bien plus, il se trouve, dans un certains sens, à la tête de tout le mouvement anti-matérialiste, que l’on fait ordinairement commencer à Socrate. Cependant Protagoras conserve encore les relations les plus étroites avec le matérialisme, par cela même qu’il prend la sensation pour point de départ, comme Démocrite la matière. Protagoras diffère de Platon et d’Aristote d’une manière tranchée, dans le sens matérialiste : l’important pour lui c’est l’unité et l’individualité ; pour eux la généralité. Au sensualisme de Protagoras se rattache un relativisme, qui fait songer à Büchner et Moleschott. L’assertion