Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/118

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fanes, nous ne pouvons cependant ni espérer, ni désirer l’élimination définitive des obstacles dont les questions philosophiques sont hérissées en vertu même de leur essence. D’un côté, nous trouvons la logique irrésistible du grand mouvement démocratique, qui ne permet plus aux apôtres du rationalisme et de la libre pensée d’avoir des secrets par devers eux et veut faire participer les masses aux résultats des travaux accomplis par l’humanité entière. D’un autre côté, nous constatons le désir, malgré cette considération du besoin des masses, de ne pas laisser s’appauvrir la science et d’empêcher autant que possible l’écroulement de la culture moderne par la conservation intacte des trésors de la sagesse philosophique. Cette publicité en ce qui concerne les conséquences de la doctrine philosophique est d’ailleurs réclamée moins à titre de concession au grand nombre des hommes instruits que comme moyen auxiliaire d’émancipation pour un nombre d’individus bien plus considérable, pour les couches inférieures qui arrivent peu à peu à la conscience de leur mission agrandie. Par contre, nos « classes éclairées » sont tellement blasées, dans leur brillante frivolité, qu’il est inutile de faire briller à leurs yeux l’idée que tout en philosophie est à leur portée immédiate comme à celle des philosophes les plus renommés. Si l’on veut donner le nom de philosophie à l’instruction que le peuple retire des conférences qu’on lui fait, instruction suffisant tout au plus à le préserver de la plus grossière superstition, il faut imaginer une dénomination nouvelle pour la philosophie, qui constitue la théorie générale de toutes les sciences. Ou bien nierait-on que, dans ce sens et au point de vue où s’est placée la science actuelle, une philosophie soit encore possible ?

Au reste, l’assertion que tout ce qui est conçu clairement doit pouvoir être exprimé de même, quelque vraie qu’elle soit au fond, peut entraîner des abus fâcheux. Certes le grand Laplace a donné, dans sa Théorie analytique du calcul