Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/126

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nos matérialistes. On pourrait en trouver la raison dans l’influence de la philosophie de Schelling-Hegel.

Nous avons donné plus haut à Moleschott le nom d’épigone de la philosophie de la nature, et nous l’avons fait à bon escient. Il ne l’est pas pour avoir, dans sa jeunesse, activement étudié Hegel, puis rendu hommage, à Feuerbach, mais parce que cette tendance est visible encore partout dans son matérialisme que l’on prétend si logique, et même précisément sur les points décisifs de la métaphysique. On peut en dire autant de Büchner, qui donne souvent comme autorité Feuerbach, penseur puissant, passionné, mais parfaitement obscur et qui ensuite, avec ses propres assertions, s’égare fréquemment dans un vague panthéisme.

Le point dont il s’agit notamment peut très-bien se préciser. C’est pour ainsi dire la pomme de la chute au point de vue de la logique, dans la philosophie allemande après Kant : la relation entre le sujet et l’objet de la connaissance.

D’après Kant, notre connaissance provient de l’action réciproque du sujet et de l’objet l’un sur l’autre, thèse infiniment simple et cependant toujours méconnue de nouveau. Il résulte de cette théorie que notre monde des phénomènes n’est pas seulement un produit de notre imagination (Leibnitz, Berkeley) ; qu’il n’est pas davantage une représentation adéquate des choses réelles, mais l’effet d’influences objectives façonnées d’une manière subjective. Ce que non pas peut-être un seul homme connaît de telle ou telle façon, par suite d’une disposition accidentelle ou d’une organisation défectueuse, mais ce que l’humanité entière est forcée de connaître en vertu de ses sens et de son entendement, Kant le nommait objectif sous un certain point de vue. Il le nommait objectif, en tant que nous ne parlons que de notre expérience ; par contre, il le disait transcendant ou même faux, quand nous appliquons de pareilles notions aux choses en soi, c’est-à-dire aux choses existant absolument et indépendamment de notre connaissance.