Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/134

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jectif. Ici le jeu de la partie adverse n’est pas défavorable. Il est facile de montrer que la loi morale se développe lentement dans le cours de l’histoire de la culture et qu’elle ne peut avoir son caractère de nécessité et de validité absolues qu’autant qu’elle existe dans la conscience. Si ensuite un développement ultérieur de l’histoire de la culture pose comme fondement de la conscience morale la thèse de la conciliation avec ce monde, personne n’aura rien à objecter. On le verra bien !

Oui, sans doute, on le verra ; mais ici se présente une difficulté plus grande. Ce qui plaide en faveur de Kant, c’est que chez tout individu qui a reçu son développement intellectuel, la conscience de la loi morale se manifeste. La teneur de cette loi peut varier sous bien des rapports ; mais la forme subsiste. Le fait de la voix intérieure est constaté. On peut en critiquer la généralité ; on peut, en sens inverse, l’étendre aux animaux supérieurs : cela ne change absolument rien au point principal. Quant à l’impératif de Feuerbach, on n’a pas encore prouvé que l’on puisse réellement se contenter du monde des phénomènes et de la conception sensible des choses. Une fois cette preuve obtenue, nous croirions sans peine pour le moment qu’elle pourra servir à construire un système moral ; que ne peut-on construire en effet ?

De même que le système de Kant aurait été en contradiction avec la connaissance due à l’entendement, si, dès l’origine, on n’eût avisé à cette contradiction, de même le système de la conciliation est en contradiction apparente avec les tendances unitaires de la raison, avec l’art, la poésie et la religion portés à s’élancer au-delà des limites de l’expérience. Reste à essayer de concilier ces contradictions.

Ainsi le matérialisme naïf n’aurait pas surgi de nouveau à notre époque dans sa forme systématique ; d’ailleurs il ne peut guère ressusciter après Kant. La croyance absolue aux atomes a disparu aussi bien que d’autres dogmes. On n’admet